Coronavirus : décharge de responsabilité de l’employeur? Attention, cela est illégal et inutile.
Certaines entreprises ont demandé à leurs employés de signer une décharge de responsabilité en cas de contamination par le COVID-19. Certaines décharges demandaient aux salariés l’abandon de toute poursuite judiciaire en cas d’infection sur le lieu de travail.
Cette démarche de l’employeur est strictement illégale et ne vaut donc rien devant les tribunaux. De plus, cela est absolument contre-productif en termes de prévention des risques et pour l’entreprise en général. Nous allons voir dans cet article pour quelles raisons il ne faut surtout pas faire une telle décharge de responsabilité. Nous verrons qu'il existe également des moyens extrêmement simples et efficaces pour se protéger en tant qu’employeur tout en protégeant ses salariés.
Décharge de responsabilité d'une entreprise pour le COVID-19 relayé par le site Franceinfo.
A) Une décharge de responsabilité de l’employeur en matière de prévention des risques professionnels est illégale.
Les employeurs ne peuvent pas se défausser de leurs responsabilités en matière de prévention des risques professionnels. C’est ce que l’article L. 4121-1 du Code du travail précise en ces termes : L’employeur est tenu par la loi de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. De plus, la cour de cassation dans le pourvoi n°99-18389 a jugé que « cette obligation implique une obligation de résultat. »
Cela explique bien les raisons pour lesquels ces décharges sont et seront toujours caduques, et qu’en cas de contamination sur leurs lieux de travail les salariés touchés peuvent réclamer des dommages et intérêts s’ils ont été victimes d’une maladie professionnelle ou d’un accident de travail en démontrant l’existence de la maladie professionnelle ou de l’accident du travail dont il a été victime.
B) Une décharge de responsabilité de l’employeur est absolument contre-productive.
Au-delà du fait de ne pas protéger l’entreprise qui les ferait signer, les décharges de responsabilités produisent trois effets majeurs extrêmement néfastes que nous allons voir ici
1) Un stress supplémentaire des salariés qui peut aboutir à de mauvaises décisions et un risque supplémentaire de contagion.
Un salarié qui se verrait contraint à signer un tel document se retrouverait instantanément en position de faiblesse. Il se dirait qu’en plus de risquer sa santé dans son travail, il n’aurait aucun moyen d’avoir un quelconque recours s’il contractait le virus. À partir de cela, le salarié peut être tenté de faire usage de son droit de retrait exagérément dès qu’une tache ou une situation lui paraît dangereuse, ce qui n’est pas bénéfique du tout pour la bonne organisation de l’entreprise. À l’inverse, certains salariés peuvent réagir de manière totalement opposée du fait de ne pas se sentir couvert par leurs patrons, et ne surtout pas vouloir invoquer leur droit de retrait par peur de représailles. Ils peuvent donc à partir de cela, adopter des situations à risques comme continuer à travailler à un poste ou la distanciation d’un mètre minimum n’est pas respectée. Dans le pire des cas, certaines personnes stressées par la situation pourraient en venir à aller au travail en ayant déclaré des symptômes de la maladie, mais ne plus oser s’arrêter. Il s’agit-là du pire scénario, car l’entreprise risque alors une contamination massive de ces salariés, mais aussi du patron lui-même.
2) Une défiance des salariés vis-à-vis de leur entreprise synonyme de tensions en interne, et de déception.
Il n’y a rien de pire qu’un salarié qui perd la confiance dans son entreprise. À court terme, la première chose qui arrivera certainement est une dégradation des relations entre la direction d’une part et les salariés d’autre part. Une dégradation des relations entre les preneurs de décisions et les exécutants s’accompagne systématiquement d’une baisse de performance globale de l’entreprise : tout d’abord on ne s’écoute plus, puis on communique de moins en moins, pour finir par s’éviter. On se retrouve alors avec des couacs au niveau de l’organisation, et les erreurs se multiplient. Les délais s’allongent, les retards s’accumulent, chacun rejetant la faute sur l’autre alors que le problème est global. C’est une situation dans laquelle nombre d’entreprises se retrouvent malheureusement engluées, et que plus on laisse traîner longtemps plus il est difficile de s’extraire.
Maintenant, sur une perspective à long terme, le salarié sera probablement déçu et cherchera si possible à quitter cette structure pour trouver de meilleure considération à son égard ailleurs. Nous avions déjà parlé de cet aspect dans un autre article expliquant comment le document unique et une bonne prévention des risques permettaient de fidéliser ses salariés dans l’entreprise.
3) Une réputation et une image de marque écornée
Comme on aime à le rappeler souvent, une personne satisfaite d’un service en parlera à une seule personne tandis qu’une personne insatisfaite le fera savoir à dix personnes. C’est la raison pour laquelle en froissant vos salariés inutilement avec une décharge de responsabilité, vous alimenterez une rancœur qui se traduira par des rumeurs et de mauvais mots à votre égard. Qu’on se le dise clairement, à l’heure d’internet, les notations et les avis sur les entreprises sont de plus en plus importants et relayés. De nombreuses entreprises et entrepreneurs ont déjà subi les foudres d’internet et des réseaux sociaux en raison de mauvais choix de gestion depuis le début de cette crise sanitaire. Le cas ayant fait couler le plus d’encre est sans conteste le géant du E-Commerce Amazon, décrié pour avoir choisi de continuer de faire tourner ses entrepôts à pleines cadences pour vendre tout produit de consommation en pleine période de pandémie. Depuis, le tribunal de Nanterre à contraint Amazon le 14 avril à limiter ses activités de ventes à des produits essentiels sous peine d’un million d’euros par infraction constatée et par jour. De plus le tribunal a précisé que l’entreprise avait « méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés ». Rien que ça. Quand on ajoute à cela que cinq salariés d’Amazon à Saran ont notamment été contaminés par le COVID-19, on peut commencer à se demander si cela ne sera pas suivi d’un recours collectif contre l’entreprise au tribunal des prud’hommes d’ici quelque temps. Je vous laisse imaginer ce que les gens retiendront de la politique d’Amazon suite à cette histoire, qui pourrait très bien déboucher sur un boycott du géant américain.
C) Mais comment me protéger en tant que chef d’entreprise avec en plus le déconfinement qui vient ?
La plus simple et la plus efficace des solutions pour se protéger en tant qu’entreprise demain avec le déconfinement, tout en protégeant ses salariés, ses liens sociaux, sa performance et son image de marque, c’est tout simplement de suivre scrupuleusement les obligations légales en matière de prévention des risques, à savoir :
_ Le document unique : Sur le plan légal, c’est LE fondamental pour toute entreprise. S’il ne fallait retenir qu’une seule chose, ce serait celle-ci :
AYEZ UN DOCUMENT UNIQUE D’ÉVALUATION DES RISQUES PROFESSIONNELS EN RÈGLE ET À JOUR!
Nous avons détaillé dans un précédent article les raisons pour laquelle le DUERP reste incontournable et pourquoi il faut le mettre à jour en cette période de crise sanitaire, avec notamment un fichier Excel contenant un exemple de mise à jour que nous vous proposons gratuitement. Les entreprises qui n’ont pas de document unique ou qui n’y ont pas intégré le risque COVID-19 risquent de se retrouver en grandes difficultés devant les instances de contrôles avec de possibles sanctions financières comme nous l’écrivions dans un autre article de blog.
_ La démarche de prévention des risques COVID-19 : A minima, vous devez avoir une démarche de prévention des risques claire sur le COVID-19 et la faire figurer dans votre document unique. Pour commencer : il s’agit tout simplement de reprendre les principales mesures fournies par l’état.
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Instaurer le télétravail pour les personnes qui le peuvent.
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Respecter la distanciation sociale minimum d’un mètre entre les personnes.
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Tousser ou éternuer dans son coude.
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Éviter de se toucher le visage
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Se laver fréquemment les mains avec du savon ou du gel hydroalcoolique
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En cas de symptômes légers, rester chez soi et consulter son médecin. Si les signes s’aggravent, contactez le SAMU au centre 15.
À cette base vous pouvez ajouter des mesures en fonction des capacités de votre entreprise tel que :
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Mise en place de gel hydroalcoolique pour chacun
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Mise en place de masque FFP2 voir FFP3 (qui garantissent une efficacité réelle) ou à défaut des masques de chirurgiens.
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Mise en place de gants à usage unique
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Marquage au sol lorsque cela est possible pour déterminer le périmètre de chacun et/ou instaurer un sens de circulation pour limiter le croisement des personnes.
Et si vous désirez aller encore plus loin et devenir un expert du sujet : L’INRS propose un webinaire complet dédié au Coronavirus dans l’entreprise.
Rappelez vous pour finir que la justice est, et restera compréhensive pour les entreprises qui auront respecté les règles, mais qui n’auront pas eu de chance et auront demain des salariés contaminés. Bien évidemment, même la meilleure campagne de prévention des risques ne pourra pas écarter définitivement le risque de contagion, mais c’est là un strict nécessaire qu’il est urgent de réaliser au plus vite pour soi comme pour les autres.